Auteur : Pauline THIBOUT de l'agence de recouvrement CAP RECOVERY.

Lorsque qu’une décision de justice est rendue, condamnant le débiteur à payer des sommes, si celui-ci ne paye pas volontairement, il est temps de passer au recouvrement forcé, deuxième phase du recouvrement judiciaire (la première étant l’obtention de la décision de justice).

Le recouvrement forcé obéit à des règles spécifiques. Plusieurs personnes sont susceptibles d’intervenir, de façon systématique ou plus exceptionnelle.

Le commissaire de justice

Anciennement huissier de justice, il est le seul à pouvoir mener une exécution forcée. Les installations des commissaires de justice sont réglementées : ils sont nommés par le garde des sceaux et prêtent serment. Ces exigences garantissent la probité de ce professionnel qui est responsable de l’exécution menée.

La compétence des commissaires de justice est réglementée, à la fois matériellement et territorialement.

Matériellement, les activités des commissaires de justice sont prévues par l’ordonnance du 2 novembre 1945 n° 45-2592 qui dispose :

« Les huissiers de justice sont les officiers ministériels qui ont seuls qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé et ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ».

Les huissiers de justice peuvent en outre procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances et, dans les lieux où il n'est pas établi de commissaires-priseurs judiciaires, aux prisées et ventes publiques judiciaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels. Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire. Les huissiers de justice peuvent également accomplir les mesures conservatoires après l'ouverture d'une succession, dans les conditions prévues par le code de procédure civile. Ils peuvent être désignés à titre habituel en qualité de liquidateur dans certaines procédures de liquidation judiciaire ou d'assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel, dans les conditions prévues par le titre IV du livre VI et le livre VIII du code de commerce.

Les huissiers audienciers assurent le service personnel près les cours et tribunaux. Ils peuvent également exercer à titre accessoire certaines activités ou fonctions. La liste de ces activités et fonctions ainsi que les conditions dans lesquelles les intéressés sont autorisés à les exercer sont, sous réserve des lois spéciales, fixées par décret en Conseil d'Etat.

Il a un devoir de conseil auprès du créancier quant au choix et à l’opportunité des mesures d’exécution. Il a un devoir d’information vis-à-vis du débiteur sur les mesures diligentées. »


Territorialement, les commissaires de justice sont compétents :
  • Pour les activités monopolistiques (signification d’actes, mesure d’exécution forcée) : dans le ressort de la Cour d’Appel. Ainsi par exemple, un commissaire de justice basé à Grenoble sera compétent dans les départements du ressort de la Cour d’Appel de Grenoble soit l’Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes. Un commissaire établi à Lyon sera compétent dans le les départements du ressort de la Cour d’Appel de Lyon, soit le Rhône, de l’Ain et de la Loire.

  • Pour les activités non-monopolistiques (recouvrement, constats) : la compétence est nationale.

Les tiers

Les tiers sont les personnes étrangères au lien créancier/débiteur, c’est-à-dire toutes celles qui ne se trouvent pas dans un rapport de droit direct avec l’une ou l’autre des parties et qui sont appelées à apporter leur concours, à un moment ou un autre, à l’acte d’exécution.

On citera par exemple :
  • serrurier, déménageur, témoins, garagiste… : ils assistent aux opérations de saisie et doivent signer sur les procès-verbaux dressés par le commissaire de justice,
  • personnes qui sont susceptibles de renseigner l’huissier sur la situation personnelle du débiteur (emploi, adresse, propriétés, comptes) et dont la collaboration est requise (administrations publiques, employeurs…).
Les tiers sont tenus à un devoir général de collaboration : s’ils se soustraient à cette obligation sans motif légitime, ils peuvent y être contraints, au besoin sous peine d’astreinte, sans préjudice de dommages et intérêts.
Un régime particulier existe pour les tiers saisis. Un tiers saisi est une personne qui est a priori créancière du débiteur et entre les mains de laquelle une saisie est diligentée (banque, employeur, locataire…). Ces tiers saisies sont tenus de répondre à l’acte de saisie en précisant l’étendue de leur obligation vis-à-vis du débiteur. En cas de déclaration incomplète ou mensongère, le tiers saisi engage sa responsabilité et s’expose à être condamné aux causes de la saisie et à des dommages et intérêts.

Le Juge de l’exécution

L'article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».

Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre. Le juge de l’exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s’élèvent à l’occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s’y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution des deniers qui en découle.

Il connaît, sous la même réserve, des demandes de réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.Le juge de l’exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d’exécution »
.
Le Juge de l’exécution est également compétent de façon partagée avec les juges du fond, pour liquider une astreinte et pour accorder des délais de paiement. Le Juge de l’exécution territorialement compétent est celui du domicile du débiteur ou celui du lieu d’exécution de la mesure.

Le ministère public

Depuis longtemps, le ministère public a pour mission de « tenir la main » à l’exécution des jugements notamment en matière civile, c’est-à-dire de s’assurer, le cas échéant, de leur bonne exécution par les parties concernées ».

Le procureur de la République peut enjoindre à tous les commissaires de justice de son ressort de prêter leur ministère dans le cas où un commissaire refuserait un dossier sans raison légitime. Le ministère public est l’autorité de tutelle des commissaires de justice qui doivent donc se soumettre à ses injonctions.

A l’inverse, si le commissaire de justice est victime d’une infraction au cours de sa mission, il peut en faire part directement au ministère public pour que des poursuites soient engagées.  

Les forces de l’ordre

La police ou la gendarmerie peuvent être sollicitées pour prêter main forte au commissaire de justice. Il peuvent intervenir de deux façons : pour assister le commissaire lors d’opération ou pour prêter main forte. Dans le premier cas, la force publique fera uniquement « acte de présence » remplissant principalement un rôle de protection du commissaire de justice. Dans le second cas, la force publique aura un rôle actif à jouer dans le déroulement des opérations d’exécution.

C’est principalement le cas dans le cadre des expulsions locatives pour une expulsion « par la force ». Dans ce cas, le commissaire de justice devra faire une réquisition en bonne et due forme en joignant un procès-verbal détaillant les difficultés d’exécution rencontrées justifiant la réquisition.
C’est donc le commissaire de justice qui est le personnage central dans l’exécution et le recouvrement forcé. Il peut s’appuyer sur les autres intervenants mais il est le chef d’orchestre, responsable des procédures menées et garant du respect des droits des parties.
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