Auteur : Pauline THIBOUT de l'agence de recouvrement CAP RECOVERY

Le droit à l’exécution d’une décision de justice fait partie intégrante du droit au procès équitable garanti par la Convention Européenne des droits de l’Homme. Néanmoins, ce droit se heurte à d’autres droits fondamentaux (respect de la vie privée, droit au logement, droit à la dignité...) qui viennent compliquer l’exécution d’une décision.

A noter également qu’il existe une immunité d’exécution pour les personnes de droit public. Ainsi, l’État et ses services, les collectivités territoriales, leurs groupements, et les établissements à caractère administratif bénéficient d’une immunité d’exécution attachée à leur statut : il ne peut être mis en œuvre de voie d’exécution à l’encontre de la personne morale de droit public.

En ce qui concerne les personnes privées, plusieurs obstacles existent, ces derniers étant plus importants pour les personnes physiques, protégées à plusieurs égards par le législateur.

Les insaisissabilités

Il s’agit d’une liste de types de biens que la Loi rend insaisissable. Cela signifie qu’un commissaire de justice (anciennement huissier de justice) ne peut pas agir sur ces biens pour contraindre le débiteur condamné.

Ces insaisissabilités s’appliquent aux débiteurs personnes physiques, y compris l’entrepreneur individuel qui exerce en nom propre. Elles ne s’appliquent pas aux personnes morales.

Les biens concernés sont les suivants :

  • Les biens corporels nécessaires à la vie du débiteur saisi et de sa famille.
    Cette définition assez large regroupe par exemple le nécessaire de toilette, les vêtements, les denrées alimentaires, ce qui permet la conservation et la préparation des aliments (frigo, congélateur, plaques de cuisson…), un minimum de vaisselle, une table pour prendre des repas avec des chaises, les lits, un lave-linge, meuble pour ranger le linge, objets d’enfants, libres et objets nécessaires à la poursuite des études, souvenirs à caractère personnel ou familial, nécessaire de chauffage…
  • Les instruments de travail nécessaires et indispensable à l’exercice personnel de l’activité professionnelle.
    Par exemple un ordinateur, une téléphone, des outils et matériels divers…
  • Les créances alimentaires.
    Il s’agit notamment des pensions alimentaires perçues pour l’entretien et l’éducation des enfants ou des pensions alimentaires versées par des parents à un enfant en étude. Ces pensions sont insaisissables.
  • Les prestations sociales Les allocations logement, le RSA, les allocations familiales par exemple sont concernées.
  • Les objets indispensables aux handicapés ou destinés aux soins des malades.
  • Les meubles et immeubles nécessaires aux syndicats professionnels pour leurs réunions.
  • Les biens déclarés insaisissables par un testateur ou un donateur.
  • Les parts des rémunérations équivalent au RSA pour une personne seule.
  • Les saisies sur compte bancaire : une somme équivalente au RSA pour une personne seule est automatiquement laissé à disposition du débiteur personne physique.
En cas de saisie des rémunérations ou de saisie sur compte bancaire, une somme égale à 607,75 euros doit être laissée à disposition du débiteur saisi. Cette somme est actualisée régulièrement suivant l’évolution du RSA.
Les prestation sociales et créances alimentaires sont toujours insaisissables quelque soit leur montant, y compris si les sommes sont épargnées, à condition pour le débiteur saisi de prouver l’origine des fonds.

En ce qui concerne la part minimale à laisser à disposition sur les rémunérations, celle-ci est plafonnée. Si le débiteur saisi a plusieurs employeurs, la part insaisissable restera à 607,75 euros tous salaires confondus.

Pour les comptes bancaires, la part insaisissable est laissée à disposition une seule fois dans le mois.

Pour les autres biens, l’insaisissabilité cesse si les biens sont en quantité suffisante, s’ils ont une valeur certaine en raison de leur matière, rareté ou ancienneté, ou s’ils se trouvent dans une résidence secondaire. L’appréciation du commissaire de justice sur place est donc importante.
Si une saisie est réalisée sur des biens que le débiteur juge insaisissables, ce dernier a toujours la possibilité de contester la saisie devant le juge de l’exécution.

Les obstacles procéduraux

L’exécution d’une décision de justice peut être suspendues par l’exercice d’une voie de recours par le débiteur. Les voies de recours peuvent concerner la décision de justice en tant que telle : opposition, appel.

L’opposition et l’appel sont par principe suspensives d’exécution, ce qui signifie qu’aucune saisie ne peut être diligentée si un de ces recours est formé. Le délai de recours et le recours lui-même sont suspensif d’exécution.

Attention cependant à un autre principe qui anéanti le premier : les décisions de justice sont par principe assortie de l’exécution provisoire. Cela signifie que même en cas de recours, l’exécution d’une décision de justice peut être poursuivie par voie de saisie.

Des exceptions existent à ce principe : la loi peut prévoir que certaines décisions ne sont pas assorties de l’exécution provisoire (c’est le cas par exemple en droit des personnes) ; le juge peut, même d’office, écarter l’exécution provisoire de sa décision s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire.

Un commissaire de justice mandaté pour exécuter une décision de justice devra donc en premier lieu prendre soin de vérifier le caractère exécutoire ou non de la décision.

Les voies de recours peuvent également concerner l’exécution même de la décision lorsque le débiteur poursuivi saisit le juge de l’exécution pour contester les mesures diligentées ou solliciter des délais de paiement.

La saisine du juge de l’exécution ne suspend pas de droit la poursuite de l’exécution. Néanmoins, si le commissaire de justice diligente des saisies alors qu’une demande de délai est en cours, il engage sa responsabilité et celle du créancier pour saisie abusive.
En revanche, une contestation sur une saisie identifiée (par exemple saisie vente) ne fait pas obstacle à la mise en place d’une autre saisie (par exemple saisie attribution), les procédures étant indépendantes, sauf si le motif de contestation porte sur la créance elle-même ou le titre exécutoire (montant, caractère exécutoire du titre…).

Situation du débiteur

Si le débiteur se trouve dans une situation financière compliquée, plusieurs évènements peuvent suspendre l’exécution : une demande de délais, une procédure de surendettement ou une procédure collective.

  • L’octroi de délais de paiement.
    Un créancier n’a jamais l’obligation d’accepter des délais de paiement à l’amiable. En revanche, les délais de paiement accordés par un juge s’imposent à lui. Une fois que l’exécution d’une décision de justice a commencé (soit pas la délivrance d’un acte de saisie, soit par la délivrance d’un commandement de payer suivant le cas), les demandes de délais doivent être portées devant le juge de l’exécution. Avant, tant que l’exécution n’a pas été engagée, les demandes de délais sont portées devant le juge compétent suivant le montant de la demande et la nature de l’affaire (tribunal judiciaire, tribunal de commerce). Une fois la décision favorable au débiteur rendue, aucune exécution ne peut être poursuivie tant que les délais sont respectés.

  • Le surendettement.
    La procédure de surendettement permet à un débiteur personne physique, particulier, de bénéficier d’une suspension de poursuites et d’un réaménagement de des dettes. Cette procédure se fait auprès d’une commission spécifique auprès de la Banque de France. La recevabilité d’une demande de surendettement emporte suspension – et interdiction – des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur. Quant aux mesures adoptées, la commission de surendettement peut imposer de « rééchelonner le paiement des dettes », ce qui entraîne suspension des procédures d’exécution ou de « suspendre l’exigibilité des créances autres qu’alimentaires pour une durée de deux ans maximum. Les mesures accordées par la Banque de France s’imposent aux créanciers qui disposent néanmoins de la possibilité de s’opposer en formant un recours devant le juge compétent.

  • La procédure collective
    En cas de difficultés économiques d’une entreprise débitrice, le créancier peut se voir opposer une procédure collective. Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, redressement ou de liquidation judiciaire suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers de sommes d’argent dont la créance a son origine antérieurement au dit jugement. Il interdit également la poursuite des mesures d’exécution. Le créancier est alors traité collectivement (d’où le nom de procédure collective) avec les autres créanciers suivant des procédures spécifiques menées par le mandataire judiciaire ou le liquidateur.
Il ressort de ces développements que l’exécution d’une décision de justice n’est pas acquise et peut se heurter à un grand nombre d’obstacles. Ces difficultés sont justifiées par la recherche de l’équilibre entre droits du créanciers et droits du débiteur, souvent en parfaite opposition. Le commissaire de Justice est le professionnel garant de cet équilibre.
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