Si le recouvrement de créances est souvent associé aux procédures judiciaires telles que l’injonction de payer ou le référé provision, seule une infime partie des créances sont concernées par l’une de ces procédures alors que près de 70% des factures sont payées avec du retard.

L’essentiel du recouvrement pratiqué par les entreprises est donc amiable et consiste en une succession de relances qui visent à obtenir le paiement des factures bien avant le stade du contentieux.

L’objectif du recouvrement amiable est simple : obtenir le paiement des factures à leur date d’échéance contractuelle. Il débute dans la plupart des cas avant la date d’échéance afin d’obtenir une promesse de paiement ou de détecter un éventuel litige.

Même les sociétés de recouvrement, mandatées les entreprises n’arrivant pas à se faire payer, privilégient souvent une phase amiable qui se révèle souvent efficace du simple fait du changement d’interlocuteur (le débiteur est relancé par l’agence de recouvrement à la place de son créancier).

Les avantages sont multiples :
  • Préservation de la relation client.
  • Coût moindre.
  • Résultats plus rapides.
Le contentieux est donc à utiliser en dernier recours après une phase de relance amiable. Attention cependant, amiable ne veut pas dire laxiste ou permissif. Au contraire, il s’agit d’une phase extrêmement rythmée incluant des techniques de relance en entonnoir et n’excédant pas 60 jours après la date d’échéance.

Comment optimiser son recouvrement amiable avec les dispositions légales ?

Si l’art et les méthodes du gestionnaire relançant ses clients dans le but de les faire payer au plus vite sont primordiaux, l’efficacité des relances peut être améliorée avec la mise en avant des dispositions légales contraignantes pour l’acheteur qui ne paye pas ses factures dans les temps.

En effet, le droit français a, ces dernières années, très clairement encadré le crédit interentreprises par une série de lois dont l’objectif est de réduire les délais de paiement et les retards de paiement entre professionnels.
Le fournisseur qui subit des retards de paiement a donc tout intérêt à les utiliser pour amener son client à respecter ses engagements, c'est-à-dire payer ses factures à la date d’échéance.

Quelles sont-elles et comment les utiliser judicieusement ?

Conscient du fait que les délais de paiement pratiqués en France sont un frein au développement des entreprises, notamment des PME – PMI, l’état et l’Europe ont cherché depuis le début des années 2000 à contrecarrer les rapports de force à l’origine de l’établissement des conditions de paiement par une série de lois.

Transposition de la Loi européenne NRE de 2001 dans le droit français, Loi sur les délais de paiement dans le secteur du transport (2006 et 2008), Loi LME (2009), Loi de mars 2012, Loi de 2013 sur les marchés publics et enfin Loi Hamon (décrets en cours de parution) se sont empilées pour traiter de ce sujet.

Si leur efficacité est parfois remise en cause (on ne traite pas le problème des délais de paiement uniquement par la loi), leurs effets sur l’économie réelle sont indéniables, notamment celui de la LME.

Leur principe est de définir des délais de paiement maximaux et de pénaliser l’acheteur (privé ou public) fautif de retards de paiement dès lors que la créance est certaine et n’est pas remise en cause par le client. En effet, le droit commercial français protège l’acheteur en cas de litige sur une facture et il l’autorise à ne pas payer la facture tant que le litige n’est pas résolu.

Il est donc essentiel pour le vendeur d’apurer la créance de tout litige quel que soit son type (administratif, qualitatif…etc.). Si ce n’est pas le cas, il lui sera impossible d’obtenir son paiement par voie amiable comme judiciaire.

Un des rôles du service crédit client est de s’assurer que les litiges sont résolus au plus vite.

Pour les créances saines, c'est-à-dire non litigieuses, les principales dispositions légales en France sont les suivantes :

La Loi de Modernisation de l’Economie (2009)

Elle limite le délai de paiement entre professionnels à 45 jours fin de mois ou 60 jours nets. Dans certains secteurs, le délai maximal est même inférieur (par exemple 30 jours dans le transport). Le point de départ du délai de paiement est la date d’émission de la facture (et non la date de réception des marchandises, sauf pour les DOM TOM).

A noter que les 45 jours fin de mois peuvent se calculer de deux manières différentes. Le mode de calcul est à définir entre le vendeur et l’acheteur. En 2014, la Loi Hamon complète cette limitation en imposant un délai de 45 jours nets en cas de facture mensuelle récapitulative (l’acheteur est livré durant tout le mois mais n’est facturé qu’en fin de mois).
Le délai fixé par la loi est un maximum mais en aucun cas un minimum. Chacun est libre dans le cadre de la relation commerciale de fixer un délai de paiement inférieur au délai LME.

Autre disposition phare de la LME

L’application de pénalités de retard dues de plein droit le jour qui suit la date d’échéance de la facture est un moyen persuasif pour éduquer son client à respecter la date d’échéance à condition de les réclamer fermement.
Le principe des pénalités de retard doit être mentionné sur les factures et dans les conditions générales de vente.
En savoir plus sur la LME.

Depuis le 1er janvier 2013 et l’entrée en vigueur de la Loi de n°2012-387

Tout débiteur fautif de retards de paiement doit pour chaque facture concernée une indemnité forfaitaire de frais de recouvrement de 40 euros à son fournisseur. Cette règle s’additionne à celle des pénalités de retard pour exiger une compensation en cas de retards. Le vendeur doit également mentionner cette indemnité sur ses factures et dans ses CGV. En savoir plus.

La Loi de 2013 redéfinit les délais de paiement dans les marchés publics

Elle contraint les acteurs publics à payer des intérêts moratoires et une indemnité forfaitaire de frais de recouvrement en cas de retards de paiement.
Le taux d’intérêt à appliquer est le taux directeur de la banque centrale européenne (BCE) au début de chaque trimestre + 8 points. Il est donc de 8% actuellement.
Les délais de paiement des publics sont de :
  • 30 jours date de facture pour l’Etat et les établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, ainsi que pour les collectivités territoriales.
  • 50 jours date de facture pour les établissements publics de santé (l’ensemble des hôpitaux publiques et militaires).
  • 60 jours date de facture pour les autres.
Plus de détails ici.

Les lois sur le secteur du transport

La Loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports et la Loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service ont modifié l'article L 441-6 du code de commerce qui limite les délais de paiement praticables dans le secteur du transport à 30 jours :

"Pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture."

La Loi Hamon

La Loi Hamon prévoit une amende administrative pouvant aller jusqu’à 375 000 euros pour les entreprises ne respectant pas les délais de paiement contractuel avec leurs fournisseurs. Les contrôles seront effectués sur la base du rapport du commissaire aux comptes par la DGCCRF. Prévenir vaut mieux que guérir ! Rappeler ce risque à son acheteur peut l’inciter à régulariser ses factures impayées.

Ces dispositions dans les faits

Certains points de ces lois sont véritablement appliqués, d’autres moins.

Par exemple, les intérêts moratoires sont payés systématiquement par de nombreux établissements publics.

Par contre, l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement est systématiquement ignorée entre partenaires privés.

De plus, les dispositions légales contraignantes aboutissent rarement à des condamnations d’entreprises privées qui ne les respectent pas. Les contrôles de la DGCCRF ne sont certainement pas suffisants pour les rendre incontournables.

Cependant, elles peuvent être utilisées au stade de la relance amiable par le gestionnaire de recouvrement pour renforcer son action et la rendre plus efficace. Elles présentent l’avantage d’être inopposables. Comment une entreprise pourrait-elle reprocher à son fournisseur d’appliquer la loi ?

Au contraire, leur utilisation judicieuse renforce la crédibilité du vendeur sur le sérieux de sa gestion. Par exemple, les pénalités de retard et l’indemnité forfaitaire de recouvrement peuvent être intégrées dans tous les courriers de relance et dans les réclamations de montants dus.

Elles peuvent également être rappelées, ainsi que la réglementation sur les délais de paiement, lors des relances téléphoniques effectuées auprès de la comptabilité fournisseur ou du gérant.

Le paiement de ces montants peut (doit) être exigé en cas de retards récurrents.

Une fine connaissance de ces dispositions permet au gestionnaire de trancher à son avantage toute incompréhension sur le délai de paiement et la date d’échéance de la facture et il sera à même de clarifier à l’acheteur quelles sont ses obligations légales et contractuelles.

Se faisant, le gestionnaire démontre son professionnalisme et obtiendra ainsi de meilleurs résultats.

Conclusion

Le droit français est désormais riche en obligations pour les entreprises privées et organismes publics concernant le respect des délais de paiement. Une bonne connaissance de ces principes et une réelle volonté de les appliquer renforce la crédibilité du vendeur et améliore significativement son efficacité en recouvrement de créances amiable.

Il est donc important que les gestionnaires chargés du recouvrement de créances dans leur entreprise soient très bien informés et que ces dispositions soient intégrées dans les processus et les documents de relance.
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